Accès membres et assureurs
Trouver un thérapeute
Le Réseau de massothérapeutes professionnels du Québec regroupe plus de 8 500 massothérapeutes
19 janvier 2022 | écrit par Philippe-Olivier Jasmin |
Comme la majorité des mortels, vous vous êtes probablement déjà retrouvé prisonnier d’une autoroute constipée par la circulation routière. Peut-être avez-vous fait chauffer vos neurones en ayant la géniale idée d’emprunter une sortie pour immédiatement prendre une bretelle d’accès et ainsi retourner à l’autoroute plus loin d’où vous étiez originalement. Même principe avec une voie d’accès. Malheureusement, ce plan échoue fréquemment puisque ladite entrée est aussi source de congestion et de ralentissement. Comment échanger un dollar pour quatre vingt-cinq sous. Et BAM ! Nous venons d’illustrer le syndrome de la bandelette ilio-tibiale.
Vous le connaissez peut-être par l’un de ses surnoms : le syndrome du tractus ilio-tibial, le syndrome de l’essuie-glace, la tendinite du tenseur du fascia lata ou peut-être le runner’s knee. Plusieurs masques, même problématique. En d’autres mots, la bandelette ilio-tibiale boude. Elle subit un stress mécanique excessif qui fait jeter l’éponge à son insertion distale. C’est pourquoi cette problématique porte parfois le chapeau d’une tendinite du genou. Bref, la congestion routière sur notre bretelle d’accès avant qu’elle rejoigne l’autoroute est le syndrome de la bandelette ilio-tibiale.
Et qui dit « tendinite » implique un tendon et le muscle qui s’y rattache.
Mais PO, la bandelette ilio-tibiale est un fascia aponévrotique, pas un tendon ! En effet, cette épaisse bande raide de tissu conjonctif n’est techniquement pas une entité distincte, mais plutôt un épaississement du fascia lata, le fascia qui englobe la cuisse. Néanmoins, tout comme les ligaments gléno-huméraux qui ne sont qu’un épaississement de la capsule de l’épaule, le changement dans le ratio de ses composantes, de même que la réorganisation distincte de ses fibres, en fait pratiquement une entité à part entière. De plus, puisqu’elle est composée de fascias aponévrotiques, la destinée dans l’histoire de l’humanité de la bandelette ilio-tibiale est de jouer le rôle de tendon communautaire.
Par conséquent, deux muscles s’insèrent dans la bandelette ilio-tibiale :
P-O ! T’es saoul et tu ne sais pas compter ! Lâche ton clavier ! Ahah ! Non. Le point à faire est que les livres de myologie démontrent seulement deux muscles qui ont la bandelette comme insertion : le grand fessier et le TFL. Ces deux muscles forment notre principale bretelle d’autoroute. Cependant, quand on gratte un peu, on réalise qu’il y a bien plus que deux muscles qui rejoignent la bandelette par des petites routes de gravelle.
Sortez votre machette. Nous allons nous aventurer hors des sentiers battus. Prenez une bonne inspiration avec moi avant qu’on se lance dans cette odyssée. Paraîtrait-il que respirer est bon pour la santé.
Le grand fessier détient des fibres qui s’insèrent directement dans la bandelette. Cependant, il la prend en sandwich. Il déploie profondément des expansions myofasciales dans le septum intermusculaire latéral. En opposition, ses fibres plus superficielles passeront par-dessus la bandelette pour aller s’insérer dans le fascia du vaste latéral. À son tour, le vaste latéral interrompt son voyage vers son tendon patellaire, en effectuant une halte routière avec une expansion myofasciale dans la bandelette ilio-tibiale et le septum intermusculaire latéral. Ensuite, tout thérapeute sait que le moyen fessier s’insère au grand trochanter du fémur. Cependant, il se faufile aussi dans le fascia glutéal, le septum intermusculaire latéral et la bandelette ilio-tibiale.
En parlant de ce populaire septum intermusculaire latéral, celui-ci est fusionné et continu à la bandelette. Il joue, entre autres, un rôle de coordination entre les efforts du grand fessier et du vaste latéral. Évidemment, le TFL s’insère dans la bandelette. Après tout, c’est son nom. Désolé, je n’ai pas de surprise ici.
Finalement, la bandelette, en tant que telle, s’insère au condyle latéral du tibia au tubercule de Gerdy, mais démontre des expansions myofasciales au rétinaculum antérieur du genou, de même qu’à la tête de la fibula. Bref, les compartiments latéraux de la cheville (les longs et courts fibulaires) et antérieurs (le tibial antérieur, l’extenseur des orteils, le long extenseur de l’hallux et le troisième fibulaire) peuvent saboter la bandelette par en dessous.
Dans notre métaphore d’embouteillage, le fémur joue le rôle de l’autoroute pendant que la voie d’accès représente la bandelette ilio-tibiale. Bref, elle soulage le fémur d’une partie du stress mécanique qu’il endure et des forces compressives du poids de notre corps, surtout au niveau de son col. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’une voie d’accès, mais d’une voie d’accès avec ses propres voies d’accès convergeant en entonnoir.
Malheureusement, nous ne pouvons pas changer notre réseau routier mis à part en procédant à une chirurgie ou plusieurs millénaires d’évolution. En effet, puisque la bandelette est composée de fascias aponévrotiques, un de ses objectifs est de transmettre la tension musculaire. La bandelette elle-même n’est donc pas la cause de son humeur maussade, c’est plutôt en raison des sources de tensions qu’elle véhicule. Ce point demeure vrai même dans le cas où le syndrome de la bandelette devient un syndrome d’accrochage avec le condyle latéral du fémur.
Côté musculaire, n’importe quel muscle de la section précédente peut lancer sa patate chaude à la bandelette. Dans ce cas, trouvez quel muscle pique une crise et mettez-le de bonne humeur. Par exemple, un ressaut de hanche au TFL envenimera la bandelette promptement.
Côté postural, les fils s’entremêlent. La bandelette amène la coxofémorale en abduction. La rotation, elle, est variable ; rotation interne pour le TFL et externe pour le grand fessier. La combinaison d’abduction et rotation externe nous amène vers le genou varum, mais la rotation interne est associée au genou valgum. De plus, si le fémur est stabilisé, son effort d’abduction sera canalisé sur l’articulation fémoro-tibiale accentuant le valgum. Également, puisque la bandelette entre aussi dans les efforts antéro-postérieurs avec la flexion du TFL et l’extension du grand fessier, toute affectation entre l’iliaque et le fémur entre dans l’équation, qu’il s’agisse d’antéversion, rétroversion ou genou recurvatum.
Le lien direct entre la bandelette et le rétinaculum du genou fait en sorte que la mauvaise humeur peut aisément voyager de la patella à la bandelette et vice versa.
Le vaste latéral et le biceps fémoral mettent hydrauliquement la bandelette sous tension pendant que leur augmentation de volume, lors d’une contraction, la tend par en dessous.
Finalement, la tension qui parcourt la bandelette et les muscles abducteurs contribuent à comprimer et stabiliser la tête du fémur dans l’acetabulum. C’est encore plus vrai en appui unipodal. Le phénomène est aussi employé dans la stabilisation latérale où les abducteurs ne sont pas sollicités pour effectuer de l’abduction, mais plutôt contrer l’adduction. C’est-à-dire, ne pas tomber du côté opposé.
C’est en poussant nos connaissances en anatomie que l’on obtient une meilleure topographie du terrain. Si la cause du syndrome de la bandelette est le volume ahurissant de véhicules convergeant en entonnoir vers une bretelle d’autoroute, déterminer la provenance de ces véhicules demeure stratégiquement le premier objectif clinique. De ce fait, effectuer le populaire exercice de massage de la bandelette à l’aide d’un rouleau foam roller est constructif si vous êtes en présence d’une adhérence de la bandelette au vaste latéral ou au biceps fémoral. Dans le cas contraire, il serait non seulement inefficace, mais aussi masochiste. En général, il y a beaucoup plus de chances que la source de cette congestion soit un party qui fait rage dans la hanche.
Bons soins !
Philippe-Olivier Jasmin
Vous reconnaîtrez probablement Philippe-Olivier Jasmin comme un des collaborateurs qui écrit pour le blogue du RMPQ depuis son implantation. Non? Pas de problème! Peut-être comme l’orthothérapeute clinicien aguerri. Celui qui décortique l’anatomie, explore la biomécanique et déniche des tactiques et des approches cliniques efficaces pour ces confrères massothérapeutes? Ou encore, comme le collaborateur pour le blogue de l’AMS et le superviseur-coach d’orthothérapie à leur campus de Montréal? Ou probablement comme celui qui unit des formations de la Chine, de la Colombie-Britannique et des États-Unis à sa formation d’orthothérapeute pour attiser l’étincelle de l’excellence et inspirer ses collègues à être awesome? … … ... Quand il n’est pas en train de masser ou de promouvoir la reconnaissance de la massothérapie par l’éducation, P-O a le nez plongé dans un bouquin, su à exercer sa routine de rame, de callisthénie et de Tai Chi, ou relaxe paisiblement un café à la main. Alors qui est P-O? Un rêveur? Un perfectionniste? Un guerrier pacifiste zen? Pour le découvrir, mets ton casque et viens le rejoindre au front!
Mes articlesRecevez nos articles de blogue par courriel