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31 mars 2022 | écrit par Philippe-Olivier Jasmin |
Hey les massothérapeutes ! Laissez-moi vous présenter la meilleure technique au monde depuis l’invention du pain tranché : l’isométrie. Hmmm… c’est plutôt la technique « contracté-relâché » qui est la deuxième venue du Christ. Non ! Non. La technique de « muscle energy » est clairement supérieure. Non, non, non. Peut-être finalement s’agit-il des techniques myotensives ?
Confus ? C’est un peu normal. C’est à s’en arracher les cheveux. Après on me demande pourquoi je rase mon crâne. Néanmoins, soyez sans crainte ! Je vais vous simplifier la vie. Il s’agit de plusieurs appellations pour une même technique qui profite du relâchement post-isométrique. Bienvenue en thérapie manuelle !
Aujourd’hui, puisque la technique d’isométrie est un amplificateur à la mobilisation, je m’adresse principalement aux kinésithérapeutes, ou du moins, aux massothérapeutes qui détiennent leur formation en mobilisations. Même si ce n’est pas votre cas et que ce merveilleux univers vous intéresse, tirez-vous une bûche.
Ceci dit, suivez-moi, je vais répondre à toutes vos questions :
La technique d’isométrie emploie le réflexe myotatique inverse déployé par la stimulation des organes tendineux de Golgi. L’influx véhiculé par les fibres sensorielles Ib active l’interneurone inhibiteur dans la moelle épinière qui, à son tour, inhibe le motoneurone alpha. Vous voyez ? C’est clair comme de l’eau de roche, non ?
Non, un Golgi n’est pas une danse. Plutôt, l’organe tendineux de Golgi est un propriocepteur. Sa destinée consiste donc à percevoir le stress mécanique que subit le tendon où il réside. S’il se sent écartelé, il enverra un message par pigeon voyageur à la moelle épinière. Ce moineau voyagera par l’entremise des fibres sensorielles Ib, une voie du nerf afférent dédiée au Golgi. Le message ? ARRÊTEZ LA PRESSE !
De ce fait, le pigeon se promènera dans la bureaucratie jusqu’à ce qu’il atterrisse sur le bureau du motoneurone alpha dont le vocabulaire se résume à contracter, contracter et encore contracter. C’est à ce moment que notre pigeon déféquera sur la tête de celui-ci. Le temps que le motoneurone alpha se remette de sa stupéfaction, le muscle sera disjoncté, en relâchement. Quel sera le résultat ? Le muscle cessera de se contracter en réduisant ainsi le stress mécanique sur le Golgi. Ce phénomène est surnommé le réflexe myotatique inverse et le résultat de celui-ci est le relâchement post-isométrique.
En d’autres mots, lors d’un soin, commencez doucement votre mobilisation. L’étirement appliquera un stress mécanique sur le muscle ciblé. Ensuite, faites contracter celui-ci par le client afin d’augmenter le stress mécanique. Finalement, quand le client relâchera, profitez de ce moment pour pousser votre mobilisation plus loin.
C’est tout ? C’est tout. Sa simplicité fait d’elle une technique grandement versatile avec laquelle vous pouvez laisser vaguer votre créativité. Vous vous demandez sûrement pourquoi je n’ai pas commencé avec ça. Mais où serait le plaisir là-dedans ?
Sincèrement, si vous savez mobiliser, vous pouvez déjà facilement employer l’isométrie. L’éléphant dans la pièce : vous pouvez saupoudrer n’importe quelle mobilisation d’isométrie. Bien souvent, on tente de faire comprendre à certains clients que ce n’est pas l’intensité de la contraction qui importe, mais le simple fait qu’ils contractent. Le client n’a donc aucunement besoin de transformer l’action en bras de fer. Vous ne devriez donc pas travailler plus fort physiquement qu’au moment de votre mobilisation, qui, déjà à la base, devrait déjà solliciter un effort minimal. Même en présence d’un client davantage compétitif, utilisez le poids de votre corps, barrez vos articulations et placez-vous en position de force. Sans sueur, vous deviendrez le roc sur lequel le raz-de-marée se brise : immuable et indifférent.
Une manœuvre d’isométrie prend entre huit et dix secondes à effectuer. Littéralement. Si vous appliquez deux ou trois répétitions pour être certain de l’efficacité et de satisfaire votre paranoïa, on parle de trente secondes au maximum. Vous n’ajoutez qu’une délicieuse cerise sur votre sundae à la mobilisation que vous êtes déjà en train d’effectuer ! La manœuvre n’accaparera que peu de temps de votre soin. Dans les faits, vous n’avez pas de bonnes raisons pour ne pas employer l’isométrie dès que vos mobilisations s’obstinent ou dès que vous désirez les rendre plus efficaces plus rapidement.
Dans la vie de tous les jours, je mentionne fréquemment qu’employer de l’isométrie revient à tricher. Selon le fameux général et philosophe chinois Sun Tzu[1], il convient de connaître son adversaire pour mieux pouvoir le vaincre. Puis, il pousse plus loin en mentionnant de laisser l’adversaire se saboter lui-même ou d’employer contre lui les efforts qu’il déploie. Ces idées ont été reprises, par exemple, par des arts martiaux ou par un bon nombre de stratégies d’une panoplie de domaines.
Dans cette optique, si nous considérons que l’étirement musculaire est décidé par le système nerveux, il convient de lui jouer un petit tour pour lui en passer une petite vite. Tapez-lui sur l’épaule gauche pour vous faufiler à droite quand il tourne la tête. Profitez du moment où le muscle est prisonnier de son réflexe de relâchement pour l’obliger à se relâcher davantage. Le système nerveux ne pourra que se tenir stupéfait sur le bord de la voie ferrée en vous faisant des bye-bye de la main, incapable de vous arrêter, pendant que vous déferlerez avec votre train en klaxonnant juste pour le narguer.
En y repensant, tricher n’est peut-être pas le bon terme. Travailler intelligemment serait probablement plus adéquat.
La technique d’isoposture est simplement de l’isométrie avec un twist. L’idée consiste à moins recruter les muscles plus superficiels dynamiques lors de la contraction musculaire isométrique afin de mieux cibler les muscles davantage profonds posturaux. Oui, vous pouvez employer des techniques d’isométrie pour travailler des muscles profonds ou posturaux. L’effet affectera un plus grand nombre de variables au passage. L’objectif de l’isoposture est d’être plus sélectif dans notre action, ni plus ni moins.
Alors, pourquoi la technique d’isométrie est-elle la meilleure technique au monde selon moi ? Parce qu’elle est simple, facile, rapide et efficace ! À un point où même votre client peut s’en servir dans ses exercices à la maison. C’est ce qu’on appelle la facilitation neuromusculaire proprioceptive ou les étirements FNP pour les intimes (PNF en anglais). Vous pouvez même inverser la direction du mouvement isométrique pour entrer plutôt dans l’inhibition réciproque. Faites contracter le muscle antagoniste à celui que vous visez pour obliger votre cible à relâcher lors de votre mobilisation. N’est-ce pas merveilleux ?
Donc, la prochaine fois que vous effectuez une mobilisation sur votre client, pourquoi perdre votre temps à vous obstiner ? Le muscle refuse catégoriquement de relâcher et de se laisser étirer malgré que vous ayez suivi votre protocole à la lettre? Vous vous fracassez le nez sur un mur de béton malgré que vous ayez travaillé le muscle, l’ayez pétri? Faites remonter à la surface le paresseux en vous ! Soyez le plus efficace possible en déployant le moins d’énergie possible. Comme l’aurait dit Bill Gates : « Je choisis une personne paresseuse pour un travail difficile, car une personne paresseuse va trouver un moyen facile de le faire ».
Bons soins !
[1] SUN Tzu, L’art de la guerre, Fayard, 2015.
Philippe-Olivier Jasmin
Vous reconnaîtrez probablement Philippe-Olivier Jasmin comme un des collaborateurs qui écrit pour le blogue du RMPQ depuis son implantation. Non? Pas de problème! Peut-être comme l’orthothérapeute clinicien aguerri. Celui qui décortique l’anatomie, explore la biomécanique et déniche des tactiques et des approches cliniques efficaces pour ces confrères massothérapeutes? Ou encore, comme le collaborateur pour le blogue de l’AMS et le superviseur-coach d’orthothérapie à leur campus de Montréal? Ou probablement comme celui qui unit des formations de la Chine, de la Colombie-Britannique et des États-Unis à sa formation d’orthothérapeute pour attiser l’étincelle de l’excellence et inspirer ses collègues à être awesome? … … ... Quand il n’est pas en train de masser ou de promouvoir la reconnaissance de la massothérapie par l’éducation, P-O a le nez plongé dans un bouquin, su à exercer sa routine de rame, de callisthénie et de Tai Chi, ou relaxe paisiblement un café à la main. Alors qui est P-O? Un rêveur? Un perfectionniste? Un guerrier pacifiste zen? Pour le découvrir, mets ton casque et viens le rejoindre au front!
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